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	Le numéro du mois n° 422 - décembre 2025
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Dossier

Sauvegarder les abattoirs

Sur notre ferme, à Sauvain dans le département de la Loire, nous avons choisi d'assumer jusqu'au bout la vie de nos chevreaux, en construisant un micro-abattoir à la ferme. Ce choix n'a rien d'anodin. Il interroge notre rapport à l'élevage, à la mort de nos animaux, à la responsabilité que nous portons en tant qu'éleveuses et éleveurs. Il nous questionne également sur la sensibilité de chacun·e, la nôtre, celle des personnes qui travaillent avec nous, celle de nos clients et de la société d'une manière générale. Abattre, c'est un geste difficile, mais c'est aussi un acte non dissociable avec ma vie d'éleveuse : celui de vouloir maîtriser et respecter tout le cycle de la vie des animaux que nous élevons.

Ce choix est aussi une réponse à un constat : les abattoirs de proximité disparaissent à une vitesse inquiétante. Chaque mois, un outil ferme. Pour beaucoup d'entre nous, cela signifie des temps de trajets qui s'allongent, des charges qui augmentent, une perte de qualité. Mais c'est aussi une perte d'un lien essentiel avec des outils qui permettent à nos fermes d'élevage d'exister. En parallèle, la concentration du secteur au profit de quelques grands groupes transforme l'abattage en une étape industrielle, déconnectée de notre métier d'éleveurs et de nos réalités. Cette évolution fragilise tout le monde : nous paysan·nes, les salarié·es des abattoirs et les consommateur.ices.

L'abattage est un maillon invisibilisé et mal compris qui est pourtant au cœur de la souveraineté alimentaire. Sa disparition, ou sa privatisation, menace directement notre modèle d'élevage paysan. C'est pourquoi nous devons collectivement revendiquer le droit à des outils à taille humaine, publics ou coopératifs, pensés avec celles et ceux qui les utilisent. Notre petit abattoir n'est certes pas un modèle à reproduire partout, mais une preuve que d'autres voies existent.

Ce dossier de Campagnes solidaires revient sur cette urgence. On y trouvera un état des lieux d'un secteur en crise, les témoignages de paysan·nes qui se battent pour maintenir ou reprendre leurs abattoirs, mais aussi des initiatives inspirantes : caisson mobile dans l'Hérault, nouvel outil coopératif à Chaumont... Car sans maîtrise collective de l'abattage, il n'y a plus d'élevage paysan possible.

Stéphanie Moulin, paysanne dans la Loire